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Les managers doivent connaître les dangers du bore-out

Je constate que le bore-out figure parmi les thèmes phares évoqués dernièrement dans plusieurs parutions, sans détrôner cependant le burn-out, mal profond devenu phénomène de « mode ». Le bore-out, engendré par l’ennui au travail, suscite de nombreuses polémiques, tant il semble honteux de se plaindre d’ennui dans la sphère professionnelle en cette période économiquement difficile pour certaines entreprises.

Il m’a semblé utile de faire un point sur le sujet, en enrichissant le débat par des analyses nouvelles.

Définissons le bore-out

À l’opposé du burn-out, le bore-out est un trouble généré par un manque de travail ressenti par le salarié. Loin de constituer une aubaine pour ce salarié que d’être payé à ne rien faire – ou à faire peu – ce manque de travail est vécu par lui comme générateur d’ennui. Et cet ennui pathologique peut entraîner des troubles psychiques graves, tels une dépression.
Il s’agit donc pour le manager de connaître ce syndrome, de savoir le détecter et idéalement de le prévenir.

La France présente un cadre favorable au bore-out

Le bore-out n’est pas intrinsèquement dû à l’absence de travail, mais au ressenti par le salarié qu’induit cette absence : manque de d’implication dans les projets et de reconnaissance, baisse de l’estime de soi… le salarié est alors entraîné dans une spirale négative.
Or en France, la réussite professionnelle est un élément important de reconnaissance sociale : un travail valorisant, un bon salaire, une belle maison ou un bel appartement, un réseau de connaissances et d’amis,… participent à la valorisation sociétale de soi, à son épanouissement, étayent l’ego…
De plus, il est encore important en France (même si cette image est en train de changer dans beaucoup d’entreprises), de montrer que l’on travaille beaucoup : c’est transmettre une image de salarié motivé, impliqué dans la réussite de ses objectifs. Si travailler après 17h00 transmet une image négative en Allemagne (signe d’un manque d’organisation, ou d’une tâche mal menée), un cadre qui quitterait régulièrement son travail à 17h00 serait, chez nous, suspect. La « valeur travail » passe aussi, en France, par l’image transmise à ses supérieurs et ses collaborateurs.

L’ennui pathologique au travail met à mal l’importance que tient l’emploi dans notre quotidien, et génère frustration, voire honte du salarié. Celui-ci a, de plus, conscience qu’il ne devrait pas se plaindre en période de crise.
Car en France, avec la crise ininterrompue depuis 2008 et l’absence de projection vers des jours meilleurs –  les français détenant le triste record de figurer parmi les peuples les plus pessimistes du monde*  – il n’est pas de « bon ton » de se lamenter lorsque l’on a déjà la « chance » d’avoir un emploi.

Bore-out : les raisons et les effets dans l’entreprise

Le bore-out n’est pas lié à la fainéantise des salariés.
Les victimes du bore-out estiment qu’on leur attribue trop peu de tâches, ou des tâches sans intérêt. Dans les deux cas, la performance professionnelle est inaccessible et une frustration en découle. L’absence d’estime de soi engendre une baisse de la motivation : l’engagement dans l’équipe ou dans l’entreprise n’existe plus. Au fil du temps, ce sont donc des symptômes dépressifs qui apparaissent et s’installent.
Comme tout sujet atteint d’un symptôme dépressif, le salarié est alors enfermé dans une attitude de passivité. Ainsi, il vit mal sa situation mais il est incapable de tenter d’y remédier : il ne peut demander des tâches plus intéressantes pour lui, ni même en parler avec son entourage professionnel ou personnel. Le cercle vicieux se referme sur lui.
Pour l’entreprise, c’est ainsi le fonctionnement optimal de l’équipe qui est altéré.

Les causes de bore-out sont multiples, et propres à chacun : les mêmes causes ne produisent pas chez tous les mêmes effets.

  • Une raison habituelle est que le salarié est surqualifié pour le poste qu’il occupe : il traite donc des tâches qui ne monopolisent pas pleinement ses compétences, et il s’ennuie rapidement.
  • Au sein d’une équipe, certains collaborateurs – plus réactifs, ou qui ont une écoute privilégiée du N+1,… – s’accaparent les activités les plus intéressantes : le travail le moins passionnant est ainsi laissé régulièrement aux autres collaborateurs.
  • Une cause connexe est aussi parfois volontairement créée par l’encadrement : la « mise au placard » peut également rapidement engendrer le bore-out.
  • Et bien sûr, il se peut que le travail soit objectivement dépourvu d’intérêt !

Notons que nous ne sommes pas tous égaux devant le bore-out : le ressenti, et donc la construction psychologique de chacun, interviennent grandement dans le développement – ou pas – du syndrome.
De plus, la nature du métier même influe directement sur son apparition : typiquement, un médecin qui a un emploi du temps chargé et des tâches spécifiques à réaliser est bien moins exposé qu’un salarié du tertiaire travaillant au sein d’une équipe nombreuse. Néanmoins, les raisons ne sont pas manichéennes : le médecin sans secrétaire et avec une petite patientèle doit lui-même assurer de façon croissante un travail administratif qui ne correspond ni à ses attentes ni à sa formation : c’est un cadre favorable au bore-out…

Concrètement, les manifestations du bore-out

Différentes stratégies sont alors développées par le collaborateur sujet au bore-out. Citons-en deux principales :

L’étirement des tâches

Simulant une activité pour paraître travailler et ainsi ne pas perdre son poste, il passe son temps à « faire semblant » de travailler.
Il étire ses activités dans le temps, les fractionne sur plusieurs jours. Le temps disponible ainsi dégagé n’est pas un temps de détente : il doit paraître occupé, il surfe par exemple sur Internet en ayant toujours un fichier de travail ouvert pour donner le change, boit café sur café, profite d’une pause cigarette, grignote sur son poste de travail…
On voit ainsi pourquoi ces habitudes palliatives ont un effet néfaste sur la santé : une étude**  montre que les salariés atteints de bore-out ont un risque doublé d’accident cardio-vasculaire relativement à la moyenne des autres salariés.

Une « sur-implication » au travail

Paradoxalement, le salarié peut aussi simuler une suractivité pour éloigner encore les soupçons de son entourage professionnel : déjeuner sur le lieu de travail au lieu de suivre ses collaborateurs au restaurant, ou présence au travail tard le soir. Il passe alors toujours son temps à le “meubler” : Internet, appels téléphoniques, cigarettes, café voire alcool….

 

Managers et collaborateurs face au bore out

Évoquons rapidement le cas d‘un bore-out avéré avec un sujet engagé sur la voie de la dépression : c’est d’abord le milieu médical qui doit prendre en charge la pathologie.

Mais le manager a lui aussi un rôle actif au quotidien. Il doit bien sûr connaître ce syndrome et se former pour être apte à le prévenir.
Il doit être attentif aux éléments de son équipe, piloter la répartition des tâches et être attentif à tout signe de désœuvrement. Il doit donc impérativement consacrer régulièrement du temps à cette analyse des besoins de ses collaborateurs.
Il doit développer la responsabilisation des collaborateurs, pour les motiver et qu’ils soient impliqués dans leur travail : de nombreux N+1 pensent à tort que les membres de leur équipe ne souhaitent pas plus de responsabilité.
Lorsqu’un cas de bore-out se dessine au sein de l’équipe, le manager doit rapidement en analyser les causes et les pallier : mieux répartir les tâches, proposer une formation pour faire évoluer le collaborateur concerné, mieux responsabiliser ces collaborateurs, en profiter pour améliorer le bien-être au sein de l’équipe…

Les collaborateurs eux-mêmes doivent être actifs s’ils ressentent les symptômes du bore-out. Ils doivent exposer leur ressenti au travail dès qu’un problème s’installe : la dépression n’est pas l’issue inéluctable au bore-out.
Le médecin du travail est un interlocuteur privilégié, mais le manager ou les collègues peuvent l’être aussi : il est fréquent que d’autres partagent le même ressenti au sein de l’équipe. Ce peut être la voie vers une réorganisation du travail ou vers une formation.

Au sein de Speciman, je peux intervenir auprès du collaborateur sujet au bore-out et de son manager. Prise de conscience du sujet par l’encadrement grâce à une formation dédiée et sur-mesure, coaching individuel, amélioration des stratégies favorisant le bien-être au travail : je suis votre interlocutrice pour évoquer avec vous tous ces points.
Contactez-moi !

*Enquête BVA-WIN menée dans 65 pays – septembre à décembre 2014
** International Journal of Epidemiology, 2010

Cet article comporte 1 commentaire

  1. Le mal-être au travail est un élément très souvent évoqué par des travailleurs de plus en plus nombreux, et effectivement, de nombreuses enquêtes font état d’une hausse constante de la fréquence et de l’intensité des facteurs de stress causé par certaines méthodes de management, la mauvaise gestion des ressources humaines et les contraintes organisationnelles … La prévention du mal-être au travail est devenue indispensable !

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