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Comment manager un procrastinateur

Parmi les comportements susceptibles d’affecter parfois sérieusement le travail, voire la carrière, d’un individu, figure la procrastination.
Pour rappel, procrastiner consiste à remettre au lendemain ce qui peut (ou doit) être fait le jour même, générant retards, blocages et inconfort pour l’entourage. La procrastination est un processus que le manager doit connaître et savoir déceler, pour aider son collaborateur à y remédier.

La procrastination au travail

Loin d’être une exception, la procrastination progresse dans la sphère professionnelle année après année : de 1978 à nos jours, le pourcentage d’américains qui s’estiment procrastinateurs au travail est passé  de 5% à presque 30%.*
Au fil de mes propres constats, nous ne devons pas être loin de ces chiffres en France aujourd’hui.

Bien sûr, nous connaissons tous des moments où l’on retarde la gestion d’un dossier important pour préférer dans l’instant le traitement d’une tâche qui nous intéresse davantage, ou qui nous motive mieux.
Mais quand ce mécanisme devient pathologique, alors il pose véritablement problème.

Attention : si les tâches remises à plus tard sont de petits travaux sans importance et que le collaborateur leur préfère les dossiers urgents, la procrastination n’est alors pas un souci mais relève d’une bonne gestion des priorités.

Pour la « mauvaise procrastination » en revanche, il faut comprendre le paradoxe : la remise au lendemain d’une tâche importante n’est pas une « libération » pour le collaborateur. Elle reste présente dans son esprit et peut devenir une obsession voire une souffrance, mais le collaborateur ne peut se résoudre à la traiter – ou la traite en urgence. Il ne faut donc pas confondre procrastinateur et fainéant.

 

Les symptômes de la procrastination

Il n’est pas simple de déceler la procrastination chez les collaborateurs. Les procrastinateurs restent rarement sans occupation, mais passent leur temps à gérer des dossiers moins importants que la tâche qui les rebute ou les effraie.

Citons quelques signes de procrastination au travail :

  • le manager observe chez son collaborateur un décalage entre le comportement prévu et celui adopté. Typiquement : le rapport qui lui est confié nécessite de contacter des clients, et manifestement le collaborateur ne décroche jamais son téléphone.
  • l’activité du collaborateur change : tellement habitué à passer ses journées devant son écran, il multiplie maintenant les pauses café ou sort fumer plus fréquemment.
  • il se consacre aux dernières tâches qui lui sont confiées – avec efficacité – mais le manager attend toujours ce rapport qu’il lui a demandé il y a plusieurs jours.
  • son humeur d’habitude si amène a changé depuis que le manager lui a confié un dossier…

Les raisons de la procrastination

Citons quelques raisons habituelles de la procrastination au travail.

Notons d’abord que le manager peut avoir une responsabilité dans ce processus : affecter une tâche qui ne correspond pas aux compétences d’un collaborateur peut générer chez lui frustration (si la tâche est en dessous de ses attributions) ou peur (si le collaborateur ressent que la tâche dépasse ses compétences).
L’inadéquation entre compétences réelles et tâche confiée peut ainsi générer un retard délibéré dans le traitement de cette tâche.

De façon connexe, le manque de confiance en soi du collaborateur influe également : il remet à plus tard les tâches qui lui font peur, pour lesquelles il perçoit qu’il manque de compétences. Même s’il dispose de toutes les capacités pour mener cette tâche à bien…

Le manque d’implication du collaborateur peut être en cause : peu motivé par son travail en général, il va préférer les dossiers qui l’intéressent aux dossiers importants, et/ou va s’offrir de nombreuses pauses. Il privilégie des activités qui vont lui apporter chacune une petite satisfaction au traitement de ce gros dossier ennuyeux…

La santé même du collaborateur peut l’inciter à procrastiner : des tendances dépressives vont l’amener à gérer les petites tâches et il sera incapable de s’investir dans ce dossier pourtant si important. C’est là l’objet d’une souffrance supplémentaire pour lui…

Distinct du manque d’implication, le collaborateur peut traverser une période où ses objectifs personnels l’emportent sur les enjeux professionnels. La technologie participe à cette distraction sur le lieu de travail. Typiquement, un nouveau smartphone à découvrir et à paramétrer, glaner sur Internet des informations pour une prochaine voiture,….

Une autre raison est inhérente à la nature humaine. Le collaborateur a tendance à privilégier le traitement des « petites tâches » du jour (gestion des mails, petits dossiers…) qui prennent chacune peu de temps, afin de se libérer l’esprit pour LE dossier qui va demander un traitement de fond. Une étude** du ministère américain du travail montre que nous avons tous des difficultés à apprécier réellement le temps que va nous prendre une tâche donnée : il y a un décalage entre notre jugement et la réalité. Cette procrastination délibérée – et même justifiée à nos yeux – entraîne le fait… que le collaborateur n’a plus de temps pour traiter LE dossier en question !

Enfin, nous avons déjà cité la « bonne » procrastination qui révèle en réalité une priorisation des tâches à accomplir : il y a là une pertinence à retarder le traitement des dossiers les moins urgents.

 

Comment le manager peut-il répondre à la procrastination ?

Il doit d’abord être objectivement certain que le collaborateur procrastinateur peut traiter le dossier qu’il va lui confier : c’est en amont la meilleure façon d’éviter le problème.

Le manager doit aussi s’assurer de l’adéquation entre la tâche à effectuer et les compétences réelles du collaborateur auquel il la confie. Si exceptionnellement cette tâche doit être traitée par un collaborateur dont les compétences sont bien supérieures, il faut lui expliquer clairement que c’est un travail ponctuel, que des défis plus passionnants l’attendent ensuite. Il s’agit d’entretenir son engagement au sein de l’équipe : la conviction aide à la performance.

Cela ne suffit évidemment pas. Un accompagnement du collaborateur peut alors s’avérer très utile : lui confier des objectifs intermédiaires et non l’objectif final (donc diviser les tâches). Cela permet de rendre sa confiance au collaborateur, voire même de lui faire ressentir chacun de ses objectifs intermédiaires comme une « petite » tâche à accomplir : la procrastination est alors désamorcée.
Il est utile ensuite, une fois l’ensemble du processus achevé, de débriefer ces étapes avec le collaborateur : en renforçant ainsi sa confiance, le manager a simplement appris au collaborateur une des techniques de gestion d’un dossier important.

Le manager peut aussi simplement servir de « référent » à son collaborateur procrastinateur, lui apprendre à organiser son temps et faire le point régulièrement avec lui sur l’avancée du dossier, notamment dans les phases de découragement ou de sollicitations extérieures amenées à le distraire… Il peut « recadrer » un collaborateur trop perfectionniste qui se perd dans de petites tâches intermédiaires, pour lui apprendre à parfaire son travail une fois le principal achevé.
Dans tous les cas, le manager doit transmettre au collaborateur sa confiance, son soutien et lui faire comprendre que cette étape franchie, il ressentira une réelle libération.

Notez aussi qu’une entreprise américaine*** a conçu un parfum « anti-procrastination » aux essences d’orchidée, d’euphraise, de lotus rose… à n’utiliser qu’en complément d’un bon management !

Au sein de Speciman, je conçois et anime une formation spécifique pour permettre aux managers de gérer efficacement la procrastination au sein des équipes, et y rétablir progressivement dynamisme et efficacité. Je peux également assurer un coaching du collaborateur procrastinateur et/ou de son manager.

*The Procrastination Equation, Piers Steel
**Procrastination: an economic analysis, US Department of labor
***Lotuswei

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