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Quand la génération Y forme les aînés dans l’entreprise : le « reverse mentoring »
De nombreux débats animent les managers autour de la génération Y (personnes nées entre le milieu des années 1970 et le début des années 2000), souvent riches en a priori. J’avais notamment montré, à travers un précédent article – « Génération Y » et « management » : deux modèles compatibles ! – qu’il n’y a pas de « choc des générations » au sens où on peut l’imaginer, et que les jeunes salariés – moyennant quelques particularités – s’adaptent comme leurs aînés au fonctionnement de l’entreprise.
Parmi les contributions de la génération Y auprès des seniors dans l’entreprise, figure en bonne place le « reverse mentoring » : analysons ensemble ce principe.
Une définition française au « reverse mentoring »
Ce magnifique terme d’une novlangue choisie par les communicants peut heureusement s’expliciter en bon français.
Rappelons tout d’abord que, jusqu’à présent – et pour longtemps encore ! – ce sont les salariés bien établis dans l’entreprise, forts de leur expérience, de leur pratique et de leurs connaissances qui sont amenés à accompagner les jeunes arrivants. C’est le coeur même de l’apprentissage.
Ce fonctionnement « naturel » accorde une légitimité aux seniors et facilite l’insertion des jeunes dans l’univers de l’entreprise.
« Reverse mentoring » : une nouvelle vision de l’apprentissage
Mais l’arrivée d’Internet dans l’univers professionnel, sans remettre en cause ce processus, lui adjoint une démarche inverse : l’accompagnement des aînés par les plus jeunes.
Cette démarche est motivée par une idée force : les jeunes sont aujourd’hui plus que les générations précédentes, familiers d’Internet, utilisent avec aisance les réseaux sociaux et maîtrisent l’outil numérique (« physique » – tablettes, smartphones,… – comme « virtuel » – réseaux sociaux, utilisation du web…).
Il semble donc logique de mettre en place dans l’entreprise un principe de mentorat des aînés par les plus jeunes afin de transmettre cette précieuse connaissance du digital.
C’est le « reverse monitoring », ou mentorat inversé.
Le mentorat inversé déjà en action
De grandes entreprises, dont de nombreuses françaises, ont mis en place ce mentorat inversé (Axa, Danone, SNCF…). Elles ont développé des cadres de mentorat dans lesquels le jeune né avec le 2.0 initie un aîné à la planète digitale.
Il s’agit bien là de faciliter aux « anciens » l’appréhension des réseaux sociaux, de les familiariser à la logique du web, de les habituer à un univers sans dominance hiérarchique.
Ce sont autant de concepts et de techniques qui sont souvent déconnectés des habitudes du monde du travail tel qu’on le connaissait il y a une dizaine d’années encore, basé sur la verticalité. Il n’est évidemment pas question d’initier ses collègues à réparer un ordinateur ou à concevoir un site Internet.
Concrètement, ces geeks apprentis coachs sont souvent formés par leur entreprise pour cadrer précisément leurs apports. Mais ces séances de coaching concernent bien toutes les couches hiérarchiques de l’entreprise : certains cadres supérieurs développent par exemple une appétence aux réseaux sociaux ou aux dernières tendances numériques, transmise par leurs jeunes salariés. Ils peuvent ensuite intégrer ces connaissances nouvelles dans des perspectives professionnelles, voire dans des stratégies de développement.
Mentorat inversé : oui MAIS…
Un tel tableau semble idyllique et l’on s’attend donc à une généralisation du processus dans de très nombreuses entreprises.
Sauf qu’il apparaît quelques failles dans l’idée force à la base de cette démarche.
Le jeune est-il nécessairement compétent dans l’univers numérique ?
Il est ainsi curieux d’associer l’âge d’un public avec son évidente connaissance et maîtrise d’un sujet. Pourquoi chaque jeune employé serait-il expert en Internet, maîtriserait-il de façon pertinente Facebook, ou posséderait-il une vision utile de Twitter applicable à l’entreprise ? C’est une idée reçue, au même titre que penser qu’un conducteur senior conduit forcément mieux sa voiture qu’un plus jeune, simplement parce qu’il conduit depuis plus longtemps… les statistiques d’accidentologie routière ne corroborent pas une telle vision.
Il faut donc s’extraire de toute généralisation : certains jeunes auront ces compétences numériques – comme des seniors d’ailleurs – et d’autres pas. De plus, on ne « Like » pas pour l’entreprise comme sur son compte Facebook personnel.
Le jeune : pédagogue par nature ?
De même, parmi les jeunes qui ont objectivement les compétences requises, combien sont aptes à les transmettre de façon pertinente ? La pédagogie n’est pas une science innée : posséder un savoir et dispenser ce savoir sont deux choses bien différentes.
Là encore, cette compétence n’est pas systématique : cela réduit donc la proportion des jeunes salariés concernés par un mentorat efficace.
Le senior forcément has been ?
Le fossé des générations, s’il n’existe pas professionnellement entre la génération Y et les aînés, n’a pas plus de réalité en ce qui concerne Internet. En 2014, près de 25% des internautes sont des seniors : ils ne sont pas, par nature, exclus de cet univers numérique.
De même, imaginer qu’un cadre supérieur ait besoin d’un coach pour s’initier à l’univers virtuel d’Internet relève de l’a priori. Un responsable d’entreprise se tient, heureusement, informé des tendances et des évolutions du monde dans lequel évolue son entreprise. Et le recours à un professionnel du digital, le cas échéant, restera plus pertinent que l’approche d’un jeune geek.
Mentorat inversé : et pourtant…
Et pourtant, le rmentorat inversé a clairement des aspects positifs.
Le mentorat inversé répond aux attentes des Y
Pour les jeunes aficionados du web, c’est l’opportunité de profiter d’une approche inédite de l’entreprise, de nouer des liens avec des collaborateurs forcément riches de leur différence. Ils peuvent initier des dialogues avec des strates de l’entreprise qu’il n’est pas « naturel » de fréquenter dans un parcours professionnel habituel.
De plus, ces échanges, souvent formalisés et donc encadrés – tendant ainsi à l’efficacité relationnelle – leur permettent de répondre à la demande de reconnaissance qui les caractérise et que j’avais explicitée dans l’article « Génération Y » et « management » : deux modèles compatibles !
Ces échanges sont d’autant plus fructueux que l’on n’accompagne pas un senior de son équipe ou de son service : il s’agit de ne pas interférer avec la hiérarchie existante. Il faut, de plus, que l’accompagné puisse exprimer ses difficultés ou son ignorance sans crainte : il s’ouvrira plus aisément à un « étranger ».
C’est donc pour le Y l’occasion de découvrir un nouvel aspect de l’entreprise qu’il n’aurait pas appréhendé aussi facilement sans mentorat.
Le mentorat inversé enrichit les seniors
Pour le coaché lui-même, l’intérêt potentiel est grand : il peut être sensibilisé à une approche relationnelle différente, moins basée sur la hiérarchie qu’à l’habitude, avec l’intérêt potentiel de découvertes fécondes. Cela l’oblige à sortir de sa zone de confort, à faire preuve d’ouverture d’esprit, de curiosité, voire à renforcer sa créativité.
Concrètement, il n’est pas rare que coach et coaché nouent des liens hors de la sphère professionnelle : le mentorat inversé devient alors un outil de cohésion au sein de l’entreprise.
Cette démarche peut donc générer une réelle valeur ajoutée pour l’entreprise : il s’agit en revanche de la préparer en amont. Il faut notamment ne pas l’envisager de façon systématique : le jeune Y doit montrer une approche pertinente adaptée à l’entreprise et de réelles potentialités pédagogiques (cela peut notamment se jauger au vu de son parcours – BAFA, cours particuliers,…).
Tout senior n’est pas non plus un candidat naturel au mentorat inversé : capacité d’écoute, de remise en cause et curiosité sont des qualités qui facilitent la réussite du processus.
Faites appel à moi pour vous aider à mettre en place dans votre entreprise, via Speciman, des sessions de mentorat inversé : ensemble nous transformerons cette expérience en succès.
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